ACQUISITION DE LINKEDIN
Le plus gros pari de l’histoire de Microsoft
La Presse
Fondé en 2002, LinkedIn est un réseau social réservé aux échanges professionnels qui compte 433 millions de membres, dont 100 millions d’utilisateurs qui y reviennent chaque mois. On y retrouve essentiellement des articles, des offres d’emploi et de l’information professionnelle. Avec des revenus de 2,99 milliards US en 2015, en hausse de 35 % par rapport à l’année précédente, LinkedIn a, de toute évidence, mis sur pied un modèle financier payant. Les revenus proviennent essentiellement, à 63 %, de ce que le réseau appelle « Talent Solutions ». On permet aux entreprises d’avoir accès à une vaste base de données de professionnels qui cherchent un emploi. La vente de bannières publicitaires et les abonnements Premium comptent respectivement pour 19 et 18 % des revenus.
D’abord, les faits : LinkedIn a perdu au total 180 millions ces deux dernières années. Ce bilan est d’autant plus décevant que des profits modestes, entre 12 et 26,7 millions, avaient été au rendez-vous les années précédentes. Le nombre de membres a grimpé depuis 2009, mais c’est le rythme, lui, qui a ralenti. Alors que le nombre de membres augmentait chaque année d’environ 15 % il y a six ans, il est sous la barre des 5 % depuis 2014. On évoque le plafonnement de LinkedIn. Certains critiquent l’interface qui serait peu attrayante. Enfin, on rappelle qu’à peine le quart des membres font un tour chaque mois sur le site – alors que Facebook attire 66 % de ses usagers… chaque jour.
« Microsoft ne sait plus comment innover et se rabat désormais systématiquement sur des acquisitions pour ce faire », répond tout de go Jean-François Ouellet, professeur au département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal. Effectivement, l’entreprise est hyperactive sur le marché des acquisitions depuis que Satya Nadella en a pris la tête, en décembre 2014. Elle a d’ailleurs surclassé toutes ses rivales de la Silicon Valley en 2015 avec 18 fusions-acquisitions. Mais il y a plus : LinkedIn permettra à Microsoft de mieux appliquer sa stratégie d’infonuagique et de « big data » aux entreprises. « Nous sommes au début d’une révolution colossale, et cette transaction restera comme l’un des jalons historiques dont on se souviendra, je pense », estime M. Ouellet.
On évoque souvent l’achat ruineux de Nokia en 2013, au coût de 7,3 milliards. Mais on oublie que Skype, acheté en 2011 pour 8,5 milliards, s’est avéré un bon placement. LinkedIn fait partie de cette deuxième catégorie, estime Sébastien Provencher, vice-président, produits, à l’agence montréalaise Acquisio. « C’est une excellente acquisition. LinkedIn est une compagnie moins rigide que Nokia, et Microsoft a promis de la garder comme une entité distincte. Elle leur permet de combler des manques dans leur gamme de produits, comme le côté “identité d’affaires” qui leur manquait. »
Microsoft est bien placée en retour pour améliorer certains aspects de la plateforme LinkedIn, par exemple le fil de nouvelles « qui aujourd’hui est médiocre, on s’entend », note M. Provencher. La publicité, qui a rapporté 581 millions à LinkedIn en 2015, représente en outre une occasion en or pour le moteur de recherche de Microsoft, Bing. « Ils viennent tout à coup d’acquérir quelque chose qui leur permet de pousser plus fort dans le réseau B2B. »
ENTREPRISE (tous les montants en dollars américains)
Skype : 8,5 milliards
Nokia : 7,3 milliards
aQuantive : 6,3 milliards
Mojang : 2,5 milliards
ENTREPRISE (tous les montants en dollars américains)
EMC (par Dell) : 67,0 milliards
LinkedIn (par Microsoft) : 26,2 milliards
WhatsApp (par Facebook) : 22,0 milliards
Dell (par Silver Lake Management) : 21,0 milliards
PeopleSoft (Oracle) : 18,7 milliards